Aterrizaje en la Luna (1954) - página 26
Cet album, d'une exactitude prophétique, poursuit l'aventure lunaire initiée dans Objectif Lune. Hergé repousse sans cesse les limites scénaristiques et envoie cette fois ses héros dans l'espace. Si aujourd'hui aller dans l'espace est presque une routine, au début des années cinquante, imaginer un tel récit relevait de la science-fiction. En effet, il est important de se rappeler que l'album fut publié en 1954 alors qu'Armstrong posa le premier pas sur la Lune qu'en 1969.
Dans la seconde partie de l'aventure, le côté pédagogique d'Objectif Lune s'atténue au profit d'un récit aux allures de thriller. L'expédition lunaire de nos héros est pleine de rebondissements et de surprises. Deux exemples marquants : l'arrivée des Dupondt, embarqués malgré eux dans le voyage vers notre satellite naturel, et le sort funeste de Frank Wolff. Sur le plan scientifique, Hergé réussit pleinement à nous faire goûter les mystères du moteur atomique ou des phénomènes d'apesanteur. De la même manière, il invite le lecteur à participer au pilotage d'une fusée interplanétaire tout en nous faisant voyager dans le monde spatial. Ce dernier double album d'une catégorie qui en compte trois (avec Le Secret de La Licorne et Le Trésor de Rackham le Rouge, Les Sept Boules de cristal et Le Temple du Soleil ) consacre le génie d'Hergé autant comme scénariste que dessinateur.
Les Studios Hergé furent créés le 6 avril 1950 et permirent d'alléger la charge de travail d'Hergé. Bob De Moor, exceptionnel dessinateur, rejoint l'équipe le 6 mars 1951 et allait devenir le pilier des nouveaux Studios.
Il dessina notamment les éléments importants de la fusée, les rampes de lancement de la base de Sbrodj, mais aussi les magnifiques paysages de l'espace et de la Lune, des interventions graphiques qui feront partie de ses plus belles réussites dans le domaine. La création des Studios a permis la poursuite de l'œuvre d'Hergé et cela jusqu'à sa mort ! Voyez aussi les volets 11 et 12 de l'album à la loupe Objectif Lune.
Bien que l'histoire se passe dans un lieu confiné, l'incroyable talent d'Hergé a fait de cet album une aventure attrayante. Il a réussi admirablement à traiter l'aspect humain de la conquête de la Lune bien avant qu'elle se réalise : l'inquiétude des astronautes avant le grand départ, les conditions de leur alunissage, les transmissions entre nos héros et la terre, les intenses émotions provoquées par le premier pas posé sur la lune et, au même moment, la joie et le soulagement des techniciens restés sur terre, devant leurs postes de contrôle. Cerise sur le gâteau, l'histoire fut construite sur des bases scientifiques sérieuses.
Dans la mythologie grecque, Adonis est un mortel, amant de la déesse grecque Aphrodite. Mais Adonis est aussi le nom d'un astéroïde que rencontre le capitaine Haddock lors de sa sortie dans l'espace.
Il se trouve par mégarde entraîné par l'attraction de ce petit corps céleste, dessiné par Bob De Moor avec un certain réalisme. C'est ainsi qu'Haddock se retrouve satellisé autour de l'astéroïde, concept remarquable pour l'époque puisque le premier satellite artificiel ne sera lancé (autour de la Terre) que quelques années plus tard.
Ce sera le point culminant de l'aventure de Tintin et de ses amis. L'alunissage se fait tout en délicatesse, le moment est venu pour Tintin de découvrir le plus incroyable des spectacles. Il descend solennellement les échelons le long de la fusée. Il pose le premier pied (apparemment le droit et non le gauche comme Armstrong) sur le sol lunaire, fait quelques pas.
Il prononce dès lors la phrase historique : « ...Pour la première fois sans doute dans l'histoire de l'humanité, on a marché sur la Lune ! ». Cette déclaration n'est pas sans rappeler celle prononcée par Neil Armstrong : " That's one small step for (a) man, one giant leap for mankind " (C'est un petit pas pour un homme, mais un bond de géant pour l'humanité).
Le professeur Tournesol aux commandes met le pilotage automatique pour se poser au centre du Cirque Hipparque. Hergé prend sa carte lunaire et pointe ce lieu - un cratère lunaire - situé près du méridien central de la face visible de la Lune pour engager la suite de son récit. Ce cratère porte le nom d'Hipparque, l'astronome et mathématicien grec. Armstrong et son coéquipier aluniront eux dans la mer de la Tranquillité (Mare Tranquillitatis) située plus au nord du Cirque d'Hipparque.
La découverte faite par Tintin dans une grotte de notre satellite a depuis été confirmée à la suite du lancement de la sonde Clémentine (1994), munie d'un radar passant au crible la surface de la Lune. Deux ans après, la Nasa annonçait la vraisemblance de la présence de glace sur la Lune. Le radar en avait détecté une masse qui était en réalité un lac de 5 kilomètres de diamètre.
Autre coup de génie d'Hergé, le Scotch du capitaine Haddock qui sous l'effet de l'apesanteur forme une « lentille » sphérique, parce que les molécules d'eau s'attirent et génèrent une force qui agit à la surface du liquide (tension superficielle).
Cette tension visant à minimiser l'énergie totale d'un corps considéré va diminuer la surface de ce dernier ; la surface minimale pour un volume donné étant une sphère, on aura compris le choix effectué par le dessinateur pour représenter cette scène aux accents cocasses.
Hergé manie l'absurde à merveille ! Les Dupondt tombent sur leurs propres traces de pas, un peu le même gag que celui de Tintin au pays de l'or noir ; et concluent merveilleusement : « Impossible que ce soit UN d'entre nous : il y a deux traces parallèles ... et nous sommes seuls ! » Dupond et Dupont ne font qu'une seule et même personne dans leur esprit !
Cette tension visant à minimiser l'énergie totale d'un corps considéré, va diminuer la surface de ce dernier ; la surface minimale pour un volume donné étant une sphère, on aura compris le choix effectué par le dessinateur pour représenter cette scène aux accents cocasses.
Beaucoup de lecteurs l'auront remarqué, les casques que portent Tintin et ses amis dans l'espace sont transparents. Loin d'être une erreur de la part d'Hergé, cette option fut choisie pour permettre d'avoir une visibilité sur les visages des personnages. Sur les casques des astronautes est disposé un filtre dont la fonction est de réduire l'intensité du rayonnement solaire qui frappe le visage de l'astronaute.
Dès le début de l'histoire, le problème de l'oxygène demeure capital. Trop nombreux à être montés à bord, la question ne se pose plus pour les occupants de la fusée : une insuffisance d'oxygène est à prévoir. Plongé dans le remords, Wolff, l'ingénieur félon, est prêt à tout pour se racheter. Il désire sauver ses amis et mettre un terme à sa trop lourde culpabilité. Il prendra dès lors une grande décision, faire don de sa vie. Censurée par l'Église, la séquence doit être modifiée par le dessinateur. Hergé, bon gré mal gré, répond à cette demande en laissant croire à un éventuel miracle.
La lettre d'adieu de Wolff laisse supposer qu'il pourrait même échapper à cette mort, pourtant inéluctable. On atténue ainsi la portée suicidaire de l'action. Et voilà Frank Wolff œuvrant pour une fin rédemptrice de son existence.
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